Ron Rash est un auteur américain peu connu en terre européenne, alors qu'il a déjà écrit 5 romans, plusieurs recueils de nouvelles et de poésie et même un livre pour enfants.
Ses précédents romans parus en français étaient publiés dans des collections "polar" mais cette année, son nouvel éditeur français ne s'y est pas trompé : le Seuil l'honore de sa collection "cadre vert" au même titre que Christa Wolf.
Dans "Le Monde à l'endroit", il explore ses thèmes fétiches : nature, pauvreté et déterminisme. Et si les éditeurs de romans policiers ne s'y sont pas trompés c'est que Ron Rash créée une tension digne des thrillers les plus stressants : un ado paumé, un champ de cannabis et un vieux paysan sans pitié, et dès les premières pages, le lecteur est plongé au coeur de cette Amérique rurale et désincarnée chère à l'auteur de "Un Pied au paradis". Ou comment parler des plus pauvres sans misérabilisme avec des personnages à multiples facettes. Et comment se sortir de sa condition quand personne ne vous aide, pas même vos parents, bien au contraire...
Un roman sombre mais réaliste qui laisse le lecteur choisir entre déterminisme et détermination.
(Conseil de libraire : lire d'urgence "Un Pied au paradis" si ce n'est déjà fait !)
Ron Rash : Le Monde à l'endroit, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Isabelle Reinharez, Editions Seuil, Paris 2012, 288 p. , 19.50 €.
Encore une vie incroyable, celle de Micaela Feldman de Etchebéhère, dite Mika, née en Argentine en 1902 de parents juifs immigrés, et décédée à Paris en 1992. Une vie peu commune, qu'Elsa Osorio tire de l'oubli, et restitue dans un roman qui est autre chose qu'une biographie : une reconstitution romanesque, quoique fidèle, d'un engagement dans le siècle comme il pouvait y en avoir à cette époque, proche dans le temps, mais déjà lointaine à l'aune des idées d'aujourd'hui. Engagée dans les mouvements révolutionnaires, proche des communistes, mais détestée des Staliniens, Mika participera, en Argentine, puis à Paris et à Berlin, au mouvement intellectuel bouillonnant de l'avant-guerre. Fuyant le nazisme, elle se retrouvera parmi les partisans du Poum dans la guerre civile d'Espagne, et deviendra "La Capitana", à la tête d'une milice qu'elle dirigera avec charisme, et mènera au feu avec un courage total. Poursuivie par les fascistes et les rouges en même temps, elle quittera l'Europe durant la guerre, pour revenir ensuite à Paris, en éternelle militante.
Elsa Osorio, auteur de l'éblouissant Luz ou le temps sauvage, consacré aux enlèvements d'enfants sous la dictature argentine, n'est pas que l'auteur de ce roman biographique, elle en est aussi un personnage. La vie de Mika l'a accompagnée de longues années avant qu'elle n'en fasse un livre, et c'est tout autant ce compagnonnage qui est la substance de ce livre.
Elsa Osorio : La Capitana, traduit de l'espagnol (Argentine) par François Gaudry, Editions Métailié, Paris 2012, 334p, 20€.
On a souvent comparé ce magnifique auteur à Tchekhov, sans doute parce que ce qu’il nous dit des êtres, à demi-mots , révèle aussi leur époque et leur condition. Avec « Cet Eté-là », il nous emmène dans la campagne irlandaise en 1950 dans un petit village où rien ne se passe, ou presque. La routine des tâches, les vies rivées aux habitudes n’empêchent ni les rêves ni les désirs, dans ces existences apparemment sans relief.
William Trevor commence par planter le décor et les personnages que nous découvrons comme sur une photo un peu décolorée. Il y a là, la nouvelle patronne de la pension de famille, son frère, un vieux fou égaré, témoin des temps anciens, un fermier veuf remarié avec Ellie, jeune domestique épousée par commodité et habitude. Ellie n’est ni heureuse, ni malheureuse, la question ne s’est jamais posée à celle qui n’a jamais eu à choisir sa vie. Mais cet été-là, un jeune dilettante passe dans le village à vélo…
Pudeur, finesse, William Trevor excelle à faire parler ce qui se tait, dans une nature harmonieuse et belle, qui inspire à ces hommes et ces femmes aussi modestes qu’admirables, une sagesse bouleversante.
William Trevor : Cet été-là, traduit de l'anglais (Irlande) par Bruno Boudard, Phébus Editions 2012, 255p