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Syngué sabourUne femme veille son homme, inconscient, gravement blessé par une balle fichée dans sa nuque. Cela se passe en Afghanistan ou ailleurs, le pays est en guerre, le bruit des armes est incessant. La femme parle à cet homme qui fut son mari, mais si peu son compagnon. Et ses paroles, au rythme du souffle de l’homme, deviennent un long monologue, où elle dit toute sa souffrance de femme musulmane, face au poids des traditions, face à l’intégrisme. C’est l’audace qui peu à peu l’envahit, et elle livrera tous les secrets d’une vie trop contrainte, se libérant par les mots, transformant le corps du blessé en « pierre de patience », pierre magique que dans la tradition persane on pose devant soi pour y déverser toutes ses misères. C’est le syngué sabour, qui finit par éclater. Et par délivrer celui qui s’est confié.
Atiq Rahimi vit depuis plus de vingt ans en France, où il travaille comme cinéaste. En 2001, il a mis en scène un de ses précédents livres, le très beau Terre et cendres (Editions POL et Folio). Son écriture est elle-même cinématographique, faite de scènes et de phrases courtes, haletantes, toutes de tension maitrisée.
Prix Goncourt 2008

Atiq Rahimi : Syngué sabour, Editions P.O.L, 155p, 15€.

Les accommodements raisonnablesLa petite musique de Jean-Paul Dubois nous revient avec ce nouveau roman, une fois de plus en phase avec l’air du temps et les émois de ses contemporains. Paul Stern – toulousain, la cinquantaine (comme l’auteur) – saisit l’aubaine d’un contrat à Hollywood, où il réécrira le scénario du remake d’un film français, pour s’éloigner de ses proches : une épouse dépressive, un père vieillissant mais devenu flambeur après un héritage, des enfants qui ont quitté la maison. Une année pour s’y retrouver, dans cette vie qui hésite entre la fin de la jeunesse et l’horizon qui se rapproche, avec bien sûr l’imprévu qui surgit : Selma, sosie parfait de son épouse, avec trente ans de moins… Et comme souvent chez Jean-Paul Dubois, l’actualité n’est pas loin. Ici, en arrière-fond, la dernière campagne présidentielle française, traitée avec humour et le ton décalé d’un auteur qui ressemble furieusement à ses personnages.
Après Hommes entre eux, où la fragilité de l’homme était traitée à l’ombre des grands romans américains, Les accommodements raisonnables seraient peut-être le constat des illusions qu’offre l’Amérique. Accommodements raisonnables, disait-il…

Jean-Paul Dubois : Les accommodements raisonnables, Editions de l’Olivier, 261p, 2008, 21€

La porte des EnfersAu lendemain d’une fusillade à Naples, Matteo voit s’effondrer toute raison d’être. Son petit garçon est mort. Sa femme, Giuliana, disparaît. Lui-même s’enfonce dans la solitude et, nuit après nuit, à bord de son taxi vide, parcourt sans raison les rues de la ville.
Cinquième roman de Laurent Gaudé, La Porte des Enfers se déroule une nouvelle fois, et avec évidence, dans une Italie âpre et violente, là où la vengeance est possible. C’est là aussi, en bordure de Méditerranée que depuis l’Antiquité se situent les portes de l’Enfer, où de rares humains ont eu l’audace de pénétrer pour y rechercher l’âme de leurs défunts. Matteo le fera, pour tenter de retrouver son fils, payer le prix de sa vengeance, et permettre à la chaîne des vivants et des morts de se nouer.
Remarquablement construit, ce livre émouvant, voyage vers l’Au-Delà, est une belle métaphore du sentiment que l’on exprime en évoquant la présence des morts tant qu’elle subsiste dans la mémoire des vivants, alors qu’un peu de ceux-ci est emporté par ceux qui disparaissent.

Laurent Gaudé : La porte des Enfers, Actes Sud, 2008, 270p, 19,50€