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Qui touche à mon corps je le tueParis, 29 juillet 1943. Lucie L. voit poindre le jour dans la chambre de son appartement : elle attend d’être libérée de l’enfant qui germe en elle. C’est la dernière journée de Marie G., faiseuse d’anges sur le point d’être guillotinée par Henri D., exécuteur des hautes œuvres. Qui touche à mon corps je le tue de Valentine Goby entrelace les voix de ces trois personnages – avortée, avorteuse et bourreau – au travers de cette seule journée, de l’aube à l’aube. Les personnages livrent ici ce qu’ils n’ont livré à personne, tout entiers dans le mensonge, au ban de la société ou simplement taciturnes, comme le bourreau qualifié pudiquement dès l’enfance de « mutin ». L’indicible est au cœur de ce roman dense et ramassé, dont l’écriture souvent poétique est bouleversante.

Valentine Goby : Qui touche à mon corps je le tue, Paris, Grasset, 2008.

La traversée du désertTous les amateurs de désert rêvent de Tombouctou, cité mythique et sans doute décevante, dont on sait qu’elle fut découverte, comme disent les Européens, par René Caillé en 1828. Et pourtant ce n’est pas tout à fait vrai. Deux ans auparavant, un major anglais dénommé Laing y était arrivé, mais il fut assassiné et son exploit ne fut pas « homologué » par la postérité. C’est cet homme complexe et malchanceux qui sert d’arrière fond au roman d’Isabelle Jarry, et aux relations qu’à travers le personnage d’Ariane, la narratrice, celle-ci entretint longtemps avec le désert et celui qui le lui fit découvrir, Théodore Monod (Gabriel Barthomieux dans le livre). Mais il s’agit bien d’un roman, précisément et habilement construit autour de la difficulté d’écrire un roman sur des situations et des personnages porteurs d’une charge symbolique forte. Une évidence y apparaît. Le désert n’est pas seulement un lieu d’ascèse et de dépouillement, le désir y affleure, et c’est le vrai sujet de cette « traversée ».
Le désert anéantissait tout le chemin à parcourir pour aller à l’autre, il rendait la relation immédiatement accessible et gagnait le cour des choses, sans intermède ni transition (…) C’était, pour les tempéraments timides et réservés, trop bien élevés, une chance inespérée.

Isabelle Jarry : La traversée du désert, Paris, Stock, 234p.

La meilleure part des hommesC’est un roman dont on a beaucoup parlé dans le (petit) milieu des lettres à Paris. Un premier roman accepté par Gallimard, abondamment encensé, critiqué, décortiqué, car en prise sur la vie intellectuelle de ces trente dernières années en France. Quatre personnages : la narratrice, son amant, intellectuel juif de gauche, et deux hommes, homosexuels, qui s’aiment puis se haïssent. Ce qui les oppose est précisément ce qui fait l’intérêt du livre, la manière dont furent vécues les années Sida, à Paris, par une génération qui faisait de sa différence l’affirmation d’une culture et une posture politique, et que la maladie a non seulement décimée, mais aussi divisée : les fondateurs d’Act up versus les partisans des rapports non protégés (bareback). C’est le portrait d’une époque et d’un certain rapport à la politique, qu’incarne aussi le personnage de Leibowitz, philosophe de gauche torturé et réactionnaire plus vrai que nature, et que l’on reconnaîtra aisément.
Roman vrai, par les événements décrits et les personnages inspirés de figures connues, La meilleure part des hommes est un livre témoin. Témoin d’un temps assez court, où ceux qui pensaient échapper à la norme – et les gays en sont une métaphore-, furent rattrapés par le réel.
Prix Flore 2008.

Tristan Garcia : La meilleure part des hommes, Gallimard, 2008, 307p.