Chers amis,
Je viens de rentrer au Caire. La ville essaye de reprendre une activité normale mais nous en sommes encore très loin. Nous avons du fermer les deux Oum El Dounia pendant 17 jours et depuis la réouverture le chiffre d’affaires de la librairie plafonne à 30 € maximum par jour. Je ne vous cache pas que nous sommes très inquiets. Effectivement, Oum El Dounia est situé à 20 m de la place Tahrir et la semaine dernière nous avons dû fermer plus tôt que prévu à trois reprises. La sécurité au Caire est loin d’être bonne. Les gens se sont armés pendant les évènements et la tension est encore très vive. L’ambassade nous a avertis de nombreux mouvements sociaux. Politiquement, rien n’est résolu. Certes Moubarak est parti mais ce sont toujours les mêmes qui tiennent le gouvernement. Côté opposition, aucun leader (à part peut être Amr Moussa le président de la Ligue arabe) n’a la carrure adéquate. Baradei est très controversé par le peuple qui ne veut pas de lui.
Le tourisme a chuté. Les agences de voyage licencient par centaines. On va tous payer très cher cette situation et nous n’avions pas du tout anticipé cela.
L’Egypte a gagné une liberté bien méritée et nous en sommes très fiers pour elle. Mais ce n’est que la première étape (certes décisive) d’un long processus vers la démocratie et l’équilibre. Théoriquement, il devrait y avoir des élections en septembre et il n’est pas impossible que nous traversions encore une longue période de troubles qui pourrait avoir des conséquences terribles d’un point de vue économique.
Pour l’instant, j’ai bloqué toutes nos commandes. Mon premier souci est de payer les salaires dans deux jours, avec un chiffre d’affaires en février de 140 €. Alors que théoriquement nous sommes en plein dans la haute saison. Je vais appeler les autres libraires pour savoir comment ils vont. Côté éditeurs, à ce jour, seul Volumen nous a contactés pour nous proposer un report des échéances.
Nous avions plusieurs signatures prévues pour lesquelles nous avions reçu les livres, et forcément tout est annulé. Moi qui suis plutôt d’un naturel optimiste, je ne vous cache pas que l’inquiétude est grande.
Agnès