Tahar va mourir. A l'hôpital, lui l'Algérien fils de harki, arrivé en France à l'âge de quinze ans, est entouré de quatre personnes, ce qu'il lui reste de famille, toutes françaises. Sa femme à l'amour sans limite, leur fils prisonnier du silence, un beau-père qui psalmodie sans fin la même prière chrétienne. Et Becker, lui aussi revenu de l'enfer, connu au bled alors qu'il était jeune appelé. Sous les drapeaux, comme tant d'autres. Plongé dans les limbes de l'inconscience, Tahar se souvient. Par fragments, dans le désordre d'évènements ou de simples faits relatés. Son pays avec son soleil écrasant qui domine le djebel, les couleurs et les parfums de la terre, la classe de l'école où la carte de l'Algérie côtoyait celle de la France, Madame Bayeux l'institutrice dont la robe à fleurs laissait voir la peau laiteuse et par là même des horizons insoupçonnés, un camarade français qui l'invitait chez lui où tout était si différent, son amie Souad avec qui il gardait les bêtes. Mais une guerre qui alors ne dit pas encore son nom existe bel et bien, même si au village elle semble se résumer à la simple présence des soldats venus d'ailleurs. Inéluctablement, elle rattrape Tahar. Une oeuvre forte, sensible et remarquablement bien écrite, à découvrir loin du tumulte de la rentrée littéraire.
Fabienne Jacob, L'averse, Gallimard, 2012, 12,50 €