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Entre Houellebecq et Weyergans, les jurés Goncourt ont donc choisi le second. Assez facilement, dira-t-on, par six voix contre quatre au second tour. On aura connu des votes plus laborieux. Et pourtant. C’est en amont que cela s’est passé, et on peut penser que les débats houleux qui ont précédé le vote final, ont en fait marqué une fin de non-recevoir à Houellebecq. Certes, Trois jours chez ma mère est un bon livre, drôle et faussement léger, et qui trouvera certainement un large public, même si ce n’est pas le meilleur de l’auteur. Mais c’est entre deux types de littérature que le choix a pu se faire, et le débat est passionnant.

Weyergans écrit des romans alertes, nombrilistes, avec une fougue et un talent qu’on retrouve chez l’homme lui-même. Cette légèreté d’être cache en fait un auteur angoissé, et le ton de ses livres ne doit pas tromper : le propos est pertinent et le lecteur s’y retrouve souvent. Mais le sujet central c’est l’auteur lui-même, et c’en est la limite. A preuve, Trois jours chez ma mère, un livre attendu depuis cinq ans et que Weyergans a eu bien du mal à écrire. Il en est sorti en mettant en scène un double de lui-même qui a bien des difficultés à écrire un roman sur sa mère, et qui écrira donc un livre mettant en scène un écrivain cherchant à écrire sur sa mère. Livre-gigogne, ou poupées russes, comme on voudra.

Houellebecq, dont nous avons parlé par ailleurs, paraît également se mettre en scène. Mais c’est comme spectateur d’un monde (le nôtre) en décomposition. Et ses propos sont totalement incorrects : le style est plat mais juste, les chats sont appelés des chats, et la chair est faible et crue. C’est une autre trempe d’écrivain : écrivain-penseur, ou philosophe, comme il l’aurait glissé lui-même, dans une tradition qui se perd dans la littérature française. Classique d’une certaine façon, mais bien de son temps : « observateur averti de la réalité contemporaine », il voit l’avenir dans le registre de la science-fiction. Peu recommandable en fait, quand il décrit un monde cynique, tout en se prêtant à ses pratiques médiatiques et commerciales les plus controversées. Il n’a donc pas le Goncourt, qu’il aurait amplement mérité, et en un sens il n’a que la monnaie de sa pièce : le lui attribuer eût été lui donner raison…

François Weyergans
Trois jours chez ma mère
Grasset
GONCOURT 2005