Un nouvel essai, ou plutôt sept courts essais, de Milan Kundera, dans le droit fil de ses ouvrages « L’art du roman » et « Les testaments trahis » .On sait que ses plus récents romans, écrits directement en français, sont en rupture formelle avec les précédents, ceux qui datent de sa « période tchèque », et qui l’ont rendu célèbre. On y trouve en effet en contrepoint du récit, une petite voix qui commente ce que le lecteur est en train de découvrir. C’est qu’entretemps, Milan Kundera a entamé une réflexion sur le roman, qui pose d’ailleurs la question de son aboutissement, à l’heure où le paysage littéraire contemporain peut laisser perplexe : la machine à produire n’a jamais tant fonctionné.
Mais loin d’en célébrer la disparition, Kundera veut recadrer cet « art du roman ». Il s’inscrit dans la lignée des grands auteurs européens, sur lesquels il s’appuie d’ailleurs constamment pour dire en quoi la littérature et le roman en particulier forment un art indispensable. Depuis Rabelais et Cervantès, les fondateurs, le roman a trouvé une raison d’être, qu’à la suite de Fielding, Kundera décrit comme un acte de connaissance. Si l’on veut parler d’histoire du roman, « appliquée à l’art, la notion d’histoire n’a rien à voir avec le progrès ; elle n’implique pas un perfectionnement, une amélioration, une montée (.). L’ambition du romancier est non pas de faire mieux que ses prédécesseurs, mais de voir ce qu’ils n’ont pas vu, de dire ce qu’ils n’ont pas dit » . C’est la tâche du romancier d’ouvrir ainsi le rideau, ce voile tendu devant la réalité.
Milan Kundera
Le rideau
Gallimard