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Le 18 juin 2014, à 18h15 précises, Lionel Jospin, ancien Premier ministre français, était l’invité de la librairie Graffiti et de l’Echevinat de la Culture de la Commune de Waterloo pour une conférence dans le cadre des Grandes conférences historiques de Waterloo, pour parler de son livre, Le mal napoléonien (Editions du Seuil).

L’aventure napoléonienne a laissé des traces, qui s’étendent bien au-delà de la figure du soldat et de l’administrateur talentueux que fut Napoléon. Si elle a en partie façonné l’Europe d’aujourd’hui, ce dont Waterloo peut témoigner, elle a aussi imprimé sa marque sur l’histoire politique française depuis deux siècles.
C’est ce double héritage que Lionel Jospin, informé des ressorts du pouvoir, de par son statut d’ancien Premier ministre, tente de retracer dans cet essai critique dont le titre annonce clairement la couleur : Le mal napoléonien (Editions du Seuil). Il dit ne s’inscrire, ni dans la « légende dorée », ni dans la «légende noire » de Napoléon. Il se demande si le trajet fulgurant du Premier Consul et de l’Empereur a servi son pays et l’Europe. Et pour y répondre, sa démarche ne se veut pas celle de l’historien. Sa réflexion se porte sur le sens de l’action, toujours intéressante quand le politique considère à juste titre que le présent s’éclaire du passé.

Lionel Jospin chez Graffiti Son livre, dont il faut souligner la qualité d’écriture, n’est donc pas à proprement parler un livre d’histoire, ni une biographie. Ainsi qu’il le dit dès l’entame de son livre : « aux historiens il paie tribu ».
Son essai est « celui d’un homme politique, informé des ressorts du pouvoir et animé d’une certaine idée de ce que sont, à travers le temps, les intérêts de son pays ». Il parle « d’un cheminement qui part d’une période cruciale de l’histoire de France et le conduit jusqu’à nos jours, afin d’éclairer certains aspects du présent ».

C’est évidemment tout l’intérêt de la démarche. A côté, mais pas nécessairement à l’opposé de l’historien, censé dire l’histoire, l’homme engagé en politique au nom de ses idées, jette un autre regard sur les traces du passé. Il a mis « les mains dans le cambouis », si on peut dire, et on peut lui laisser le crédit d’avoir, à ce titre, toute légitimité pour en parler, après les avoir éprouvées.
Et quand nous disions que sa démarche, pour différente qu’elle soit de celle de l’historien, ne s’y opposait pas réellement, c’est qu’elle rend à l’action politique la perspective du temps long. On ne vient pas de nulle part…

L’essai de Lionel Jospin est donc très critique sur le personnage et sur l’action de Napoléon. Certains s‘en offusqueront, ou au minimum s’en étonneront, puisqu’on sait que Napoléon fut aussi un brillant général d’armée, et un administrateur talentueux, auquel la France doit, entre autres, le Code civil, les préfets, les lycées, le baccalauréat, la Banque de France, le Conseil d’Etat, les grandes écoles, etc. Cela, ce sont aussi des traces…
Mais il y en a d’autres. On sait, si on peut faire ce raccourci, que Bonaparte a pu devenir Napoléon grâce au coup d’état du 18 Brumaire, et le passage du Directoire au Consulat, début d’une trajectoire qui devait hélas, dit Lionel Jospin, et c’est le centre du livre, s’éloigner des ambitions proclamées.
Il fut donc d’abord Bonaparte, et de là est né ce vocable qui dure encore, le bonapartisme, méthode d’accession au pouvoir qui a survécu en France, dit encore Lionel Jospin, même après la deuxième guerre mondiale et la victoire des démocraties sur les totalitarismes.

Le libraire que je suis aime à dire qu’un livre s’écrit toujours deux fois. Une fois par l’auteur lui-même, bien sûr. Et puis par le lecteur qui, par son regard et sa lecture, le réécrit, et l’interprète en quelque sorte.
Je m’autorise ainsi à dire qu’il y a là, dans le chef de Lionel Jospin, lorsqu'il relate ces traces de l’aventure napoléonienne, le constat d’un écart certain, voire d’une trahison, dès l’origine, d’avec les idées nouvelles héritées des Lumières, et donc d’une forme d’incompatibilité avec les convictions profondes de l’homme politique qu'il est.

Philippe Goffe

Lionel Jospin rencontre Graffiti    toutes lesphotos de la rencontre
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    Crédit photos : Tanguy de Ghellinck - Sudinfo Waterloo