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Théorème vivantVous prendrez bien un peu de maths dans votre rentrée littéraire ?

Non, non, ne soyez pas effrayé par ces pages entières d'équations, fonctions et autres dérivées (voire pire) sataniques... Cédric Villani le dit clairement dans les entretiens qu'il a accordés à la presse pour la sortie de son livre : ils n'y a que quelques scientifiques capables de comprendre ces codes. Cependant, il dit aussi que les artistes ont toujours aimé les sciences (comme Man Ray venu photographier à l'Institut Poincaré) et inversement (Cédric Villani aime travailler en musique).

Donc n'ayez pas peur, le livre de Cédric Villani est tout à fait compréhensible si on saute les pages kabbalistiques. Il s'agit surtout dans "Théorème vivant" de démystifier le scientifique et d'expliquer son quotidien de chercheur. Evidemment, le chercheur Villani plane dans les hautes sphères internationales et c'est tout de même le témoignage d'un homme original (look mis à part). Il réussit en tout cas à donner un aperçu de ce qu'est la Recherche : les interrogations, le rôle important du travail en équipe, les petits arrangements déontologiques, la vie de famille complexe (merci ma femme) mais aussi les grandes joies lorsque le théorème est démontré ou à l'annonce de l'attribution de la fameuse médaille Fields.

Plutôt qu'un roman, il s'agit ici d'un témoignage sur la recherche en mathématique actuelle et on peut se demander si le choix de l'éditeur de le faire figurer dans sa sélection de rentrée littéraire est vraiment judicieux. Par contre, Villani réussit vraiment à rendre les chercheurs plus humains au risque parfois de se rendre vulnérable à la critique lorsque qu'il fait part de ses sentiments les plus intimes. Un livre enthousiaste et sympathique.

 

Cédric Villani : Théorème vivant, éditions Grasset, Paris, 2012, 281 p., 21€

 

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Orchidée fixe est le récit attachant de la rencontre d’une famille de Tel-Aviv d’origine française et d’un Américain féru d’art contemporain. Autrefois, en 1942, le patriarche de la famille a côtoyé Marcel Duchamp, lorsque celui-ci a quitté la France occupée pour les États-Unis, en passant par le Maroc, car les liaisons directes vers l’Amérique étaient alors coupées. S’entrelacent alors le récit d’un passé désormais lointain et un présent où la passion de l’art réunit la narratrice et le professeur américain venu interroger son grand-père.

Servie par une écriture toute en subtilité et en puissance, le récit de cet intermède marocain imaginé est surtout celui d'une rencontre et d'une amitié profonde. Mais Orchidée fixe, dont le titre est inspiré d'un des célèbres calembours de Duchamp, se lit aussi pour la beauté du texte. Quant à l'admiration que porte l’auteur à Marcel Duchamp, elle est touchante et donne envie au lecteur de découvrir l’œuvre d’un homme, inventeur des ready-made et du concept d'infra-mince considéré par beaucoup comme l'artiste le plus important du XXe siècle.

Orchidée fixe, Serge Bramly. JC Lattès, 2012, 19,90 €

ferrarisermonchutederomVoilà quelqu'un qui ne se contente pas de raconter des histoires mais qui les place toujours, autour de la question du vivre. Qu'est-ce que vivre et qu'est-ce que cela suppose de conflits intérieurs, de désirs, de renoncement, de conscience? Ses derniers livres, « Un Dieu un animal », « Où j'ai laissé mon âme » (pour lequel nous l'avions reçu chez Graffiti), et celui-ci explorent sous des angles divers, puissants, et extrêmes, les thèmes de la fidélité à soi, de la fraternité mais aussi et c'est important, le thème de la barbarie.

Cette fois, la barbarie vient de la vie ordinaire, matérielle, sans autre aspiration que le confort rassurant et routinier, égoïste, qui s'oublie. Pour nous le dire, l'auteur prend pour personnage un étudiant en philo à Paris, qui par paresse, rompt avec ses études pour retourner en Corse, ouvrir un bistrot dans un village de vacances. Et tout ce que le personnage voulait fuir, s'invite à la fête. Les passions humaines s''offrent une tournée générale de ce que l'homme à de pire en lui, l'irresponsabilité, la cupidité, l'humiliation, l'absence d'amour et d'idéal. Et la chute de Rome approche...
Pour Jérôme Ferrari renoncer à penser sa vie, en conscience, est une forme de reddition, d'abandon de poste, de soumission à l'inertie et à l'ignorance. Cette forme de cécité à été la cause de la chute de Rome mise à sac par les Vandales. Rome, la civilisée se croyait à l'abri de la force brute, stupide des Barbares, or c'est eux qui ont gagné. Et si aujourd'hui aussi la barbarie était à nos portes ? Chaque chapitre s'ouvre sur un extrait des sermons d'Augustin avec en clé de voûte, celui-ci : « ce que l'homme fait, l'homme le détruit ». Jérôme Ferrari réussit le tour de force d'écrire un roman philosophique sur notre modernité, un roman puissant, physique, à hauteur de personnages ordinaires.
Camus n'est pas loin...

Ce livre, repéré très tôt par l'équipe de Graffiti, a obtenu le Prix Goncourt 2012.

Jérôme Ferrari : Le sermon sur la chute de Rome, Actes Sud, 2012.