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Non, vous n'en n'avez pas encore fini avec la neige!

Biermann vous y plonge même la tête la première, et pas toujours avec délicatesse (les âmes sensibles sont prévenues). Mais si on aime les choses franchement décalées, c'est un plaisir que de suivre les aventures de cette troupe de marins lâchée sur la glace. Leur bateau devait à l'origine envoyer un feu d'artifice depuis le pôle sud pour fêter la nouvelle année, mais rapidement le groupe s'éparpille : qui sur un iceberg dérivant, qui seul sur la glace pour envoyer la fusée, et quelque autre dans une barque de fortune. Ceux qui restent sur l'embarcation principale ne sont pas en meilleur état, en témoigne le cuisinier nain du navire, nabot haut en couleurs...

Tout ce petit monde file donc à vive allure quand il ne dérape pas carrément, mais l'auteur montre quant à lui à cette occasion une maîtrise qui fait la part belle à l'humour, et même parfois (si, si!), à un brin de philosophie.

Si vous n'avez pas froid aux yeux...

 Mika Biermann : Un Blanc, Anacharsis, 2013.

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Démons me turlupinant-Patrick DeclerckLe Prix Rossel 2012 a reconnu Patrick Declerck comme auteur authentiquement belge, soit un de ces auteurs qui comme Michaux et Simenon ont mis des kilomètres entre eux et leur origine, honnie parce que grisâtre, frileuse, médiocre, poisseuse. « Foutons-le camp! » est le leg paternel. Détestation viscérale et évidemment injuste de la terre natale. Une haine de la Belgique bien à l'image du rapport à soi honteux, lucide, cruellement drôle, en un mot « matamoresque », comme le disait James Ensor de nos suffisances. Ensor qui plane sur ce formidable livre à la langue chargée et charnue.
Psychanalyste, anthropologue, philosophe, Patrick Declerck aborde sa vie comme il le fit pour son essai « Naufragés » (Terre humaine), en allant sur le terrain de la mémoire, en bord de marge, qu’il entrelarde du souvenir de quelques patients, aussi peu sauvés que lui-même sans doute. Cela donne une sorte d’essai existentiel trempant ses mouillettes dans un jus libertaire qui explose en un feu d'artifice d'intranquillité jubilatoire et parfaitement désespéré.

Patrick Declerck : Démons me turlupinant, Gallimard, 2012,

Tahar va mourir. A l'hôpital, lui l'Algérien fils de harki, arrivé en France à l'âge de quinze ans, est entouré de quatre personnes, ce qu'il lui reste de famille, toutes françaises. Sa femme à l'amour sans limite, leur fils prisonnier du silence, un beau-père qui psalmodie sans fin la même prière chrétienne. Et Becker, lui aussi revenu de l'enfer, connu au bled alors qu'il était jeune appelé. Sous les drapeaux, comme tant d'autres. Plongé dans les limbes de l'inconscience, Tahar se souvient. Par fragments, dans le désordre d'évènements ou de simples faits relatés. Son pays avec son soleil écrasant qui domine le djebel, les couleurs et les parfums de la terre, la classe de l'école où la carte de l'Algérie côtoyait celle de la France, Madame Bayeux l'institutrice dont la robe à fleurs laissait voir la peau laiteuse et par là même des horizons insoupçonnés, un camarade français qui l'invitait chez lui où tout était si différent, son amie Souad avec qui il gardait les bêtes. Mais une guerre qui alors ne dit pas encore son nom existe bel et bien, même si au village elle semble se résumer à la simple présence des soldats venus d'ailleurs. Inéluctablement, elle rattrape Tahar. Une oeuvre forte, sensible et remarquablement bien écrite, à découvrir loin du tumulte de la rentrée littéraire.

Fabienne Jacob, L'averse, Gallimard, 2012, 12,50 €