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eviter-les-peages-colinUne chronique reprise du portail numérique Librel.be,
une lecture de Martha Beullens

Dans le monde du journalisme culturel belge, Jérôme Colin est une figure incontournable qui a indéniablement un ton personnel. Son style tient pour l’essentiel à sa façon d’incarner un personnage public qui doit beaucoup au Jérôme Colin de la vraie vie et à son aptitude à adopter un point de vue sur la culture et ceux qui la produisent, qui est à la frontière entre l’impertinence, la curiosité et la naïveté (vraie ou feinte). Ce personnage est bien plus construit dans l’émission Hep Taxi !que dans sa matinale à la radio.

Avec son premier livre, Jérôme Colin a décidé de creuser son sillon plutôt que de défricher un territoire aux antipodes de son image. Son personnage est chauffeur de taxi. C’est un quadra qui se pose beaucoup de questions sur sa vie et pose beaucoup de questions aux gens. Ça tombe bien, il en rencontre pas mal au quotidien. Et quand il n’a pas de clients, il retrouve ses potes ou écoute la radio. Il est très réactif aux textes des chansons qu’il appréhende tantôt comme des amplificateurs de ses états d’âme, tantôt comme des résumés de ceux-ci.

Le cadre narratif est habile et très ouvert. Le rythme du récit est donné par les gens qui passent et les réflexions qu’ils suscitent. En contrepoint, le narrateur s’épanche. Pour densifier ce cadre, Jérôme Colin n’a pas choisi de faire compliqué quand il pouvait faire simple. Il situe son personnage dans une situation classique : la routine s’est installée dans son couple. Le break s’impose (Madame est partie quelques jours avec les enfants). Et la tentation d’une aventure s’incarne dans un fantasme sur mesure. Que va faire le narrateur ? Repartir à zéro ou re-choisir sa femme ? C’est ce qu’on ne vous dira pas. Pour compliquer les choses, un mystérieux client régulier lui fournira un portrait de ce qu’il pourrait devenir s’il choisissait définitivement la misanthropie.

On l’aura compris, ce qui compte ici, c’est moins la trame de l’histoire que le monologue. Quid du style ? Si on veut voir le verre à moitié vide, on dira que c’est un enchaînement de clichés sentimentaux et d’épanchement sur le temps qui passe et restreint les possibles. Si on veut voir le verre à moitié plein, on dira que c’est un portrait sociologiquement très intéressant d’un quadra d’aujourd’hui qui s’exprime de manière désinhibée dans une langue qui sonne vrai et qui assume son romantisme et sa trivialité.

Éviter les péages divisera les lecteurs comme Jérôme Colin divise ses auditeurs et téléspectateurs. Il les séduira sans réserve ou les agacera prodigieusement.

Jérôme Colin, Éviter les péages, Éditions Allary, 2015, 200p.