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reparer les vivantsToute rentrée littéraire donne le vertige, et laisserait facilement croire qu'une fois lancée en librairie, il ne faudra guère de temps pour qu'elle soit oubliée, et remplacée par la suivante. Et donc que les livres passent, souvent sans laisser de traces.
Parfois cependant, émerge une oeuvre, dont on pressent qu'elle va compter, peut-être qu'elle va durer. Tant par ce qu'elle dit que par la manière dont elle le dit. La qualité d'écriture n'est pas donnée à tous
, ce serait trop facile. Encore moins lorsqu'elle parle d'un événement aussi peu poétique, apparemment, qu'une transplantation cardiaque.
Apparemment, car il s'agit quand-même de parler du coeur. Ecoutez : Ce qu'est le coeur de Simon Limbres, ce coeur humain, depuis que sa cadence s'est accélérée à l'instant de la naissance quand d'autres coeurs au-dehors accéléraient de même, saluant l'événement, ce qu'est ce coeur, ce qui l'a fait bondir, vomir, grossir, valser léger comme une plume ou peser comme une pierre, ce qui l'a étourdi, ce qui l'a fait fondre - l'amour. 
Dès cette phrase, on sait qu'on entre dans une écriture particulière, et qu'avec un peu de chance, elle nous entraînera loin.

Simon Limbres a vingt ans lorsqu'au retour d'une partie de surf sur une plage atlantique, un accident de la route le laisse en état de mort cérébrale. Vingt ans, et un corps superbe qui ne demanderait qu'à survivre. Sauf qu'ici, c'est le corps des autres qu'il aidera à vivre. Ces autres qui attendent qu'un être meure pour gagner, qui un coeur, qui un foie, ou encore des reins. On a donc dit de ce livre qu'il était le roman d'une transplantation cardiaque. Dans les faits stricts c'est exact, et toutes les précisions nécessaires figurent dans le texte. Mais on peut y lire bien plus, le roman d'une entreprise collective, redoutablement organisée, dédiée à la transmission de la vie, ce que la médecine a de meilleur. Tout se passera en vingt-quatre heures, et c'est une chaîne humaine qui se déploie, depuis Révol, le médecin de garde en réanimation, Rémige l'infimier chargé de coordonner les prélèvements et de les attribuer, Virgilio celui qui prélève, Harfang qui transplante le coeur de Simon dans le corps de Claire. Et tous ceux qui les entourent. Et bien sûr, à côté d'eux, Marianne et Sean, parents effondrés auxquels revient l'impossible choix de dire de leur fils : "il est donneur".
Sans pathos mais avec une empathie totale, ce livre parle d'une humanité qui transcende les individus, et qui doit fonder la vie en société. Où la technique n'existe qu'au service de cette humanité, et où, dans une langue poétique, magnifique, la littérature permet de le rappeler.

"Enterrer les morts, réparer les vivants" est une réplique du Platonov de Tchekov.

Avec Réparer les vivants, Maylis de Kerangal creuse son sillon. Naissance d'un pont, en 2010 avait obtenu le Prix Médicis. Tangente vers l'Est, une "novella", en 2012, nous avait également enthousiasmés. Un cadeau dans cette rentrée littéraire d'hiver.

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